Récit de mon UTMB 2015

Septembre 2012, je boucle le marathon de Berlin en 2h59m19s. Le défi est relevé, boucler un marathon en moins de 3 heures. J’ai sans aucun doute atteint mon potentiel sur la distance et je ne pourrai plus faire beaucoup mieux que de gagner quelques secondes. 

Il est temps de passer à autre chose et cela tombe bien car je prends de plus en plus plaisir à courir en nature…vous l’avez compris, les objectifs seront désormais orientés trail. Alors, quel défi se lancer pour se motiver? L’UTMB s’impose naturellement à mon esprit. Je me fixe alors par défi de le faire avant mes 50 ans.

J’ai mis trois ans à faire mes gammes en augmentant progressivement les distances et les difficultés. Je suis aujourd’hui sur la ligne de départ de l’UTMB avec un niveau de préparation me donnant une chance de le finir.

Prêt au combat

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Il est 17h50mn, nous sommes le vendredi 28 août, je suis assis sur le petit mur de la place de Chamonix, déjà en train de m’économiser avant le départ prévu à 18 heures. Je me remémore tout ce qui m’a permis d’être ici et la musique du départ fait éclore une belle émotion qui me fait vraiment entrer dans la course.

Je ne vais pas vous conter tout le trajet car il est long mais plutôt les moments forts de cette aventure.

Le départ

Le départ est donné et les 2 500 coureurs s’élancent avec l’espoir de faire le Tour du Mont Blanc, soit 170 kms et 10 000 m de dénivelé, dans un délai maximum de 46heures et 30 minutes.

Assez loin de la ligne de départ, je serai en mode marche piétinement pendant 10 minutes ce qui me permet de profiter de l’ambiance dans Chamonix. 

La première montagne

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Après 1 heure de course j’arrive aux Houches et nous attaquons la première montée, le Delevret. Jolie mise en bouche avec un soleil qui se couche déjà sur les montagnes. Je suis bien sûr en mode « économie » car je sais que ce n’est qu’un début. En haut, il faut déjà s’équiper de la frontale car la nuit tombe.

La descente sur Saint Gervais n’est pas très sympatique et m’oblige à déja utiliser mes quadriceps pour freiner un peu…Heureusement, l’arrivée dans Saint Gervais avec la présence de ma petite famille me ravigote. Arrêt assez court car je suis juste dans mes temps prévus et je dois déjà penser barrière horaire car 30 mn c’est rien! Je rencontre quand même un ours à Saint Gervais qui m’accompagne sur quelques mètres.

Allez direction Les Contamines où l’on prend ses marques avec la course de nuit. Ca grimpe un peu et je marche à la moindre montée. J’arrive aux Contamines avec seulement 25 mn d’avance. Je profite de mon assistance réalisée de main de maître par ma femme pour passer des vêtements secs. Il ne fait pas froid et j’opte pour le short et t-shirt manche longue. J’embrasse mon fils et je repars avec 15 mn d’avance sur la barrière horaire…je n’ai pas le droit à l’erreur.

Le premier col

Le premier gros morceau se présente à nous : le col et la croix du Bonhomme. Les jambes sont encore fraîches et l’ascension est longue mais pas pénible. Je prends un plaisir énorme à admirer la montagne sous un ciel étoilé avec une pleine lune magnifique. 

Il faut ensuite redescendre sur Chapieux et là je commence à bien sentir mes cuisses…bien content d’arriver en bas pour se ravitailler. Ces ravitos sont des moments à bien optimiser : ne pas traîner et refaire les niveaux

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L’enfer du lac Combal

C’est ici que l’organisation a modifié le parcours…pour nous faire monter puis redescendre un pierrier très usant pour les pieds, les jambes et la tête. Impossible d’avancer rapidement et je prends un retard important ce qui m’inquiète à nouveau pour les temps limites. Heureusement, c’est le lever du jour et j’ai retiré ma frontale et le soleil enflamme les montagnes. C’est probablement ici que j’ai attrapé mes premières ampoules.

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Le moment clé : Courmayeur

J’arrive à Courmayeur avec seulement une heure d’avance sur le temps limite. J’avais prévu de manger tranquillement et de dormir un peu…pas le temps et la priorité et de faire soigner mes ampoules sinon repartir sera impossible. Là, j’ai la chance d’être pris en charge par une jeune podologue qui va me réparer tout çà en 15 minutes et me trouvera même une kiné pour un petit massage des quadriceps de quelques minutes.

Je refais le plein des bidons et attrape quelques victuailles et c’est reparti pour une belle montée : Bertone !

 Le grand col Ferret

Sans aucun doute le plus joli coin de la balade autour du Mont Blanc. Mais ce col m’a paru très long car à chaque virage je voyais les trailers continuer à monter…comme si des étages apparaissaient au fur et à mesure. C’est sur cette portion du parcours que ma « vitesse » sera la plus faible 2,58 km/h !

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La Fouly : le réconfort de la famille

La Fouly est une étape importante car j’entre dans ma deuxième nuit toujours sans sommeil mais surtout c’est ici que je peux rencontrer ma femme, mon fils, mon cousin et ma cousine. Ils ont fait 3 heures de route pour me soutenir 15 minutes et cela me redonne un coup de booster indispensable à ce moment de la course.

Je fais en sorte de repartir avec un groupe pour ne pas me retrouver seul pendant la nuit. En cas de problème, c’est mieux d’avoir quelques trailers autour de soi.

Champex : « la gamberge »

Je fatigue et je perds de la lucidité. Je ne sais plus vraiment où j’en suis dans mes temps de référence…Je ne réussis plus à compter et à réfléchir… Dois-je dormir, attendre, repartir…dans le doute je repars et j’ai la chance de tomber sur un trailer avec qui je vais partager 2 bonnes heures sur un terrain plat à papoter. Ca fait du bien…d’autant que je m’aperçois que ma batterie de rechange de ma frontale n’est plus dans mon sac…et que je serai peut être obligé d’utiliser la lampe de secours dont l’éclairage est faiblard.

L’ascension de la Giete 

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Un moment compliqué également cette montée de la Giete de nuit. C’est technique, c’est risqué et c’est long…Jusqu’à ce moment-là, je ne me suis jamais arrêté  entre les ravitaillements mais là, à quelques centaines de mètres du sommet, je m’allonge sur le bord du chemin manquant de force et le mental un peu affaibli. Je mange, je bois, je regarde les étoiles pendant plus de 10 minutes et je sens quelques forces revenir.

Je me relève et repars en mettant simplement un pied devant l’autre. Et là, je commence à avoir des petites hallucinations liées au manque de sommeil : je vois des chats dans les rochers et dans les montées je vois des fenêtres de maison à chaque virage…

Trient et Catogne

J’ai beaucoup souffert dans la descente de Trient mais une bonne nouvelle va me relancer : le jour se lève et ma frontale a tenu. Merci Petzl  Je repars donc sans me poser de question car j’ai repris un peu de lucidité et je sais que je n’ai pas de temps à perdre. J’attaque la montée de Catogne où je remonte comme souvent de nombreux coureurs. Je suis apparemment meilleur grimpeur que de descendeur.

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 Vallorcine Le début de la fin 

L’arrivée à Vallorcine marque pour moi le commencement du dernier effort : une montée et une descente. Je sous- estime à ce moment-là l’effort qu’il me reste à faire et c’est sans doute mieux comme ça 

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Ma femme est là pour m’aider à me ravitailler et cela tombe bien car j’ai sommeil pour la première fois depuis le début de la course…comme vous pouvez le constater :

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Je suis moins lucide, je renverse un thé, en boit un et j’ai de moins en moins d’aliments qui me font envie. Je repars un peu requinqué et on dormira plus tard car le chrono tourne….

Quelques kms après Vallorcine, le col des Montets se dresse devant moi et ma femme est là pour m’encourager une dernière fois. C’est la dernière ascension du jour et je suis confiant car je grimpe plutôt bien.

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Le soleil tape fort et il faut juste que je m’hydrate toutes les 10 minutes. Je pense avoir fait le plus dur mais non…ça continue à monter et la partie jusqu’à la Flégère me parait interminable. Mes pieds sont en feu et mes cuisses tétanisées.  

La Flégère : le coup de stress

Je suis pas trop mal par rapport à la barrière horaire mais un doute s’installe en moi. Il est 14h00. Une rumeur (qui s’avérera fausse) avait annoncé que l’arrivée à Chamonix devait se faire avant 16h00 et non plus 16h30. Donc il ne me reste plus que 2 heures? 

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Vu mon état physique, je sais que je ne pourrai pas courir dans la dernière descente et j’interroge un organisateur sur le temps nécessaire pour atteindre l’arrivée en marchant…sa réponse m’assomme littéralement 2 H!

Je ne sais plus que penser et je manque de lucidité. Je ne veux pas prendre de risque et alors que je me croyais à bout de force…je réussis à recourir …j’ai mal partout mais  les jambes tournent…

Finalement, plusieurs trailers me rassurent ensuite en m’indiquant que j’étais largement dans les temps. Je commence à respirer et je ralentis le rythme pour limiter la souffrance liée notamment à l’état de mes pieds. 

L’arrivée

Je continue à descendre vers Chamonix sur un chemin maintenant assez tranquille…et j’aperçois mon cousin et mon fils qui vont finir les deux derniers kms avec moi.

L’arrivée dans Chamonix me survolte, je ne marche plus, je ne cours plus, je vole…enfin je cours à 9 km/h ce qui me donne l’impression d’aller vite:) 

Je sais que maintenant c’est gagné et je profite à fond de ce dernier km dans Chamonix, main dans la main avec mon fils, dans une ambiance d’arrivée de tour de France. J’embrasse mes supporters et je suis complétement euphorique. Que d’émotions! 
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Je passe la ligne d’arrivée en tenant la main de mon fils…

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…et je prends conscience de ce que je viens d’accomplir.

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La remise de la fameuse polaire me confirme que j’ai bien fait le tour du Mont Blanc.

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Ensuite, une super photo avec « ma team » et bien entendu une bière bien fraîche. 

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J’ai sans doute frôlé mes limites à priori sans les dépasser. Objectif atteint et défi relevé mais je suis un peu fatigué …normal non?

fatigué.

30 réflexions sur « Récit de mon UTMB 2015 »

  1. eh bien quelle aventure, pfiuu faut avoir un mental d’enfer et une condition physique énorme pour aller au bout!! bravo didier !! fallait le faire et tu l’as fait 😉

  2. Quel beau récit ! J’en ai eu des frissons d’émotion ! Je vous souhaite une bonne continuation et espère pouvoir vivre d’aussi belles expériences un jour malgré mon jeune parcours de traileuse.

    1. Bonjour
      Merci pour votre commentaire:)
      Tout est possible si on le veut vraiment:)
      J’ai mis 3 ans pour me préparer…moi aussi j’ai été trailer débutant.
      allez faut y croire et s’entrainer!
      Freerunner

  3. quel récit ! bravo encore comme d’hab ca fout les poils….je viens vers toi pour avoir 2-3 renseignement sur l’intendance, je viens profiter de ton expérience, en effet après avoir bouclé la TDS en 2014 je serais au départ a Chamonix pour le grand tour cette fois…… si tout va bien.
    1)
    concernant ta prépa tu t’était fixé ce plan seul ou sur un mag’ ou autre? moi j’ai quelque chose mais il y a pas d’indication sur la somme de D+ a avaler comme d’habitude ^^
    2) dans tes 2 sacs de délestage qu’avais tu mis (si tu t’en souvient)
    et avais tu changé de chaussures?

    3) comment avais tu planifié ton « tableaux de marche » ?
    (heure de micro-sieste,zone a courir,zone a marcher etc……)

    4) si tu devais tirer des enseignement d’erreurs éventuelles que changerais tu?

    merci et encore bravo!

    Thierry
    (vik sur esprit-running)

  4. quel récit ! bravo encore comme d’hab ca fout les poils….je viens vers toi pour avoir 2-3 renseignement sur l’intendance, je viens profiter de ton expérience, en effet après avoir bouclé la TDS en 2014 je serais au départ a Chamonix pour le grand tour cette fois…… si tout va bien.
    1)
    concernant ta prépa tu t’était fixé ce plan seul ou sur un mag’ ou autre? moi j’ai quelque chose mais il y a pas d’indication sur la somme de D+ a avaler comme d’habitude ^^
    2) dans tes 2 sacs de délestage qu’avais tu mis (si tu t’en souvient)
    et avais tu changé de chaussures?

    3) comment avais tu planifié ton « tableaux de marche » ?
    (heure de micro-sieste,zone a courir,zone a marcher etc……)

    4) si tu devais tirer des enseignement d’erreurs éventuelles que changerais tu?

    merci et encore bravo!

    Thierry

    1. Bonjour Thierry
      merci pour ton message et déja bravo pour avoir relevé le défi!

      réponse au point 1
      J’avais un plan piqué dans un magazine que j’ai suivi.
      Il faut bien entendu avalé du D+ …mais aussi et surtout beaucoup de D-.
      Il faut aussi marcher beaucoup…La rando et la rando course sont les secrets d’une bonne préparation.

      réponse au point 2
      Il n’y a qu’un sac de délestage.
      J’y ai mis : de quoi me changer entièrement y compris les chaussures.
      + de quoi soigner les petits bobos : pansements …etc
      Ma nourriture : pompote, gateau sec et saint yorre

      réponse au point 3
      J’ai utilisé un site internet qui permet de calculer tes points de passage selon le temps final estimé (site internet de Michel Bowie) C’est bien comme base de départ.
      Il faut être réaliste.
      J’avais prévu 2 siestes que je n’ai pas faites faute de temps. On peut s’en passer.
      Penser qu’au départ dans Chamonix tu marches à cause de la foule pendant au moins 10 minutes.
      Les barrières horaires sont costaud jusqu’à courmayeur ensuite ca se détend.
      Il faut s’économiser dès le départ…notamment dans les descentes et notamment la première sur Saint Gervais qui arrache déja pas mal.
      Pour ma part, j’ai géré la première partie en ayant 15 à 30 mi utes dp’avance sur les BH.
      Réponse au point 4
      – je préparerais moeix mes pieds
      – je demanderai à un ami d’être là a tous les points de passage autorisé. C’est important moralement mais aussi pratiquement car tu perds de la lucidité et tu ne réfléchis plus correctement.
      Voila bonne préparation!

  5. Ça fout toujours la chair de poule ce genre de récit ça m’en rappelle d’autre que j’ai vécu forcément

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